Rencontre avec Marine Pons et Noémie Jumeline qui mettent en place TABADO à Beaune-la-Rolande
Dans le cadre de sa plateforme d’appui à l’implantation de programmes, la Fédération Addiction soutient TABADO, un projet d’accompagnement du sevrage ou de la réduction du tabac chez des apprentis et lycéens.
Chaque année, l’Institut national du cancer organise un concours entre les établissements participants. Cette année, c’est le lycée professionnel agricole de Beaune-la-Rolande qui est arrivé en tête. Nous avons rencontré Marine Pons, chargée de prévention à l’APLÉAT ACEP, et Noémie Jumeline, psychologue, qui ont mis en place le projet dans le lycée.
Pourquoi avoir choisi le lycée agricole de Beaune-la-Rolande pour TABADO ?
Noémie Jumeline : L’APLÉAT ACEP est déjà présente depuis longtemps dans ce lycée, au travers de ses points-stations (ou plus communément appelés points de contacts avancés) : cela a facilité l’implantation du programme. Le chef d’établissement est aussi un fort soutien et a été partant dès le début.
Marine Pons : Par ailleurs, l’Institut national du cancer a choisi de mettre en place TABADO dans les CFA, les maisons familiales rurales, les lycées professionnels et les lycées agricoles parce que les élèvent de ces établissements fument plus. Ils sont 47 % de fumeurs en CFA contre 22 % en filières générales.
« Il y a 47 % de fumeurs dans les CFA contre 22 % dans les filières générales. » Marine Pons, chargée de prévention
Concrètement, comment cela se passe ?
Marine Pons : Le programme TABADO a quatre étapes. Nous commençons par des actions collectives d’une heure dans les classes, puis des stands où les jeunes peuvent s’inscrire pour des entretiens individuels. Et enfin des groupes d’aide à l’arrêt. Les jeunes ont le choix de participer aux groupes d’aides à l’arrêt et/ou aux entretiens individuels.
Noémie Jumeline : Il faut souligner qu’il s’agit d’une vraie démarche d’aller-vers. En tenant des stands par exemple, on démocratise la figure du psychologue, qui est ainsi présent et visible. On s’éloigne de la posture classique du psychologue qui est uniquement présent pour des entretiens individuels. Cela permet vraiment d’aller à la rencontre des élèves.
Marine Pons : Et on ne se met pas dans une posture morale. Notre discours c’est « inscrivez-vous, ça ne vous force pas à arrêter de fumer ». Car la consommation de tabac est une porte d’entrée au programme mais on se rend compte cette consommation peut cacher d’autres problématiques : ça peut être l’alcool ou le cannabis, mais aussi le stress, les comportements en contexte festif… Sachant qu’à Beaune on est dans un milieu rural où on peu de moyens de réorientation vers des services spécialisés.
Et pourquoi organiser un concours ?
Marine Pons : Quand on s’adresse à un public adulte sur l’arrêt du tabac, il y a une motivation interne. La motivation interne des jeunes est plus complexe. L’objectif avec le concours c’est de créer des motivations externes : par les pairs, par la récompense, etc.
Noémie Jumeline : Oui, souvent les jeunes ne considèrent pas que leur consommation de tabac est un problème. Ils sont généralement au début de leur consommation et les effets sur leur santé, notamment, ne sont pas encore visibles. Pour entraine une modification de comportement (réduction, arrêt…), le levier extérieur est important. L’objectif est que cette motivation externe puisse entrainer par la suite une motivation interne plus pérenne.
Marine Pons : Concrètement pour le concours, il y a un nombre de points en fonction du nombre d’inscrits, de la participation. C’est un système de motivation entre pairs : ils s’en parlent entre eux, se poussent à y participer. Et en gagnant, les lycéens de Beaune ont reçu une donation d’une valeur de 10 000 € qui va leur permettre d’acheter du matériel pour une salle de musculation !
Et du coup, quels sont les résultats ?
Marine Pons : On a vu pas mal de monde, on a notamment eu 104 entretiens individuels, 20 ateliers motivationnels et certains enseignants se sont impliqués dans le programme. Tout cela permet de créer une dynamique d’établissement autour de Tabado et d’augmenter la participation des élèves. Beaucoup de participants ont diminué leur consommation. Mais au-delà de l’arrêt et de la réduction, on est aussi dans une réduction des risques : on apporte beaucoup d’informations et même s’ils n’agissent pas pendant le programme. On sait que ça les aidera quand ils seront prêts.
Noémie Jumeline : Ils sont jeunes, ils n’ont pas forcément envie d’arrêter de fumer. Et nous ne sommes évidemment pas dans l’injonction. Donc nous travaillons à partir de ce qu’ils souhaitent entreprendre à l’instant T, que ce soit des informations sur la réduction des risques, une diminution ou l’arrêt… Ça permet de créer un premier contact. Par la suite, ils pourront franchir plus facilement la porte de la CJC ou du CSAPA pour d’aborder leurs consommations (Tabac, alcool, cannabis…). Pour certains élèves, le programme TABADO, a permis de travailler autour des consommations qui pouvaient être interreliées au tabac notamment le cannabis et l’alcool. Une diminution de ces consommations a pu être également observée