Vape et tabagisme : où en est-on ?

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Article rédigé par David Saint-Vincent 27 février 2025
Alors que le tabagisme reste responsable de 75 000 décès par an en France, la vape s’impose comme un outil clé de réduction des risques et de sevrage tabagique. Soutenue par un nombre croissant d’études scientifiques, la vape facilite l’arrêt du tabac et réduit l’exposition aux substances toxiques. Pourtant, son usage suscite encore des débats, notamment sur son impact chez les jeunes et la nécessité d’une régulation adaptée. Entre données probantes, encadrement et enjeux de santé publique, où en est-on vraiment ?

Le tabagisme reste un enjeu de santé publique majeur en France : il cause 75 000 décès chaque année et est responsable de 19,8% des nouveaux cas de cancers. Face à cette réalité, tous les outils disponibles doivent être mobilisés pour accompagner les fumeurs vers le sevrage.

La vape, apparue en Europe il y a une dizaine d’années comme un bien de consommation courante, s’est progressivement imposée comme un outil majeur dans la lutte contre le tabagisme. Contrairement au tabac fumé, elle repose sur l’inhalation d’un aérosol contenant de la nicotine ou non, sans combustion, réduisant ainsi l’exposition aux substances toxiques comme le monoxyde de carbone et les goudrons. D’abord adoptée par les consommateurs eux-mêmes, la vape a connu un parcours particulier : son appropriation par les professionnels de santé a été plus tardive, mais elle est aujourd’hui reconnue comme un levier intéressant pour réduire les risques associés au tabagisme.

Des débats persistent cependant sur son utilité dans le sevrage tabagique ou sur un possible « effet passerelle » vers le tabac chez les jeunes. Face à ces interrogations, que dit la science ?

Vape et arrêt du tabac : des preuves scientifiques de plus en plus solides

Les données cliniques et scientifiques s’accumulent considérablement en faveur de la vape comme outil d’aide au sevrage tabagique :

  • La revue Cochrane (2025), regroupant 90 études et 29 044 participants, affirme désormais avec un « niveau de confiance élevé » que la vape avec nicotine augmente significativement les chances d’arrêt du tabac. Comparée aux substituts nicotiniques classiques, elle permettrait quatre arrêts supplémentaires pour 100 fumeurs.
  • L’étude ESTxENDS (2024), menée sur 1 246 participants, montre que ceux ayant bénéficié d’un kit de vape et de six mois de liquide gratuit avaient 1,77 fois plus de chances d’arrêter de fumer que ceux ayant uniquement reçu un accompagnement classique. Près de 29 % des vapoteurs étaient totalement abstinents du tabac après six mois, contre 16,3% dans le groupe témoin.
  • Le Haut Conseil de santé publique souligne l’intérêt de la vape pour soutenir la démarche d’arrêt du tabac chez des publics défiants vis-à-vis des prises en charge habituelles.
  • La Société francophone de tabacologie reconnaît un consensus des experts en tabacologie sur l’intérêt de la vape comme outil de sevrage et de réduction des risques.

Les jeunes et la vape : un équilibre à trouver

Néanmoins, ces derniers mois, la vape a fait l’objet d’un traitement médiatique spécifique, souvent orienté vers la défiance : interdiction des puffs, alertes sur le PTC (« pête ton crane » : des cannabinoïdes de synthèse vapotés vendus en contrebande). Si ces informations sont nécessaires, elles tendent à présenter systématiquement la vape comme un outil dangereux notamment vis-à-vis des jeunes.

Il est vrai que l’augmentation de l’expérimentation du vapotage chez les jeunes soulève des questions légitimes. En 2022, 56,9 % des jeunes français de 17 ans avaient déjà testé la vape, un usage qui dépasse aujourd’hui celui de la cigarette, selon l’enquête ESCAPAD de l’OFDT.

Si ces chiffres peuvent inquiéter, il est essentiel de les interpréter avec nuance :

  • plus de la moitié des vapoteurs quotidiens étaient déjà fumeurs ;
  • la proportion de vapoteurs exclusifs (n’ayant jamais fumé) est passée de 2,4% en 2017 à 5,8% en 2022.

La récente revue de la littérature Electronic cigarettes and subsequent cigarette smoking in young people: A systematic review incluant 126 études suggère même un « effet de diversion » : lorsque la vape est plus répandue, les taux de tabagisme chez les jeunes ont tendance à baisser. Elle conclut que les données actuelles ne permettent pas d’affirmer que la vape constitue une porte d’entrée vers le tabac, bien que cette conclusion repose sur des preuves de très faible certitude.

Le Royal College of Physicians (2024), tout en soutenant la promotion de la vape comme outil d’aide au sevrage tabagique, émet des recommandations pour décourager l’initiation au vapotage chez les jeunes.

Une régulation efficace est indispensable : elle doit limiter les effets négatifs tout en encourageant les bonnes pratiques. Des réponses existent déjà :

  • interdiction de la publicité et de la distribution en dehors du circuit spécialisé ;
  • sécurisation des consommateurs par la formation des professionnels ;
  • application stricte de l’interdiction de vente aux mineurs.

L’interdiction récente des puffs représente une avancée pour limiter l’expérimentation chez les jeunes mais elle ne remplace pas une stratégie globale de prévention, incluant la sensibilisation et le développement des compétences psychosociales.

Intégrer la vape à la lutte contre le tabagisme : recommandations

Les politiques nationales de lutte contre le tabac commencent à porter leurs fruits. La prévalence du tabagisme quotidien est passée de 29 % en 2016 à 23,1 % en 2023, atteignant son niveau le plus bas depuis 2000. Ces chiffres ne sont toutefois pas uniformes selon les catégories sociales : les catégories populaires et en particulier les chômeurs restent particulièrement touchés par le tabagisme.

Devant le défi majeur que représente le tabagisme en France, il est donc nécessaire d’encourager toutes les initiatives qui participeraient à sa réduction, y compris la vape. La Fédération Addiction appelle donc à :

  1. Intégrer la vape dans la stratégie globale de lutte contre le tabac et ainsi participer à la positionner comme un outil d’aide à l’arrêt de la combustion.
  2. Favoriser la formation des acteurs de l’accompagnement et de la prévention afin que les stratégies d’intervention soit basées sur des données et informations fiables et non des postures idéologiques.
  3. Poursuivre les efforts de recherche et d’observation afin d’assurer la meilleure sécurité pour les consommateurs.
  4. Soutenir tous les efforts contribuant à positionner la vape comme outil de réduction des risques et des dommages liés au tabac et de légitimer les soignants à développer une clinique adaptée, à l’écart des logiques commerciales.
  5. Actualiser les recommandations du Haut Conseil de santé publique et du ministère de la Santé aux professionnels en prenant en compte l’évolution des connaissances.

Les preuves sont là : la vape aide à arrêter de fumer. Plutôt que de l’opposer aux autres solutions, intégrons-la pleinement dans la lutte contre le tabagisme, avec un cadre adapté accompagné d’une prévention efficace.

Des questions ?

Vous pouvez contacter Amin Morghad, chargé de projets à la Fédération Addiction.