Projet de loi numérique : jeux d’argent, JONUM et cryptomonnaies, un mélange addictif et explosif
Alors que la France constate depuis plusieurs années une augmentation rapide et inquiétante des problèmes et des addictions liés aux jeux, en particulier aux jeux en ligne, cette dérégulation irréfléchie est particulièrement dangereuse. Au-delà des opérateurs actuels de JONUM comme la licorne Sorare, n’importe quel acteur pourra s’engouffrer dans ce système dérogatoire et contourner la réglementation en proposant des cryptomonnaies plutôt que des gains en euros : l’Autorité nationale des jeux ne serait plus en mesure de contrôler les pratiques des opérateurs. La Fédération Addiction appelle à ne pas ouvrir cette nouvelle boîte de Pandore.
En France, porté par les jeux en ligne et notamment les paris sportifs, le marché des jeux d’argent et de hasard ne cesse de croitre. Le cadre législatif en vigueur peine déjà à en contrôler les effets négatifs et le nombre de joueurs avec des pratiques problématiques ou des addictions est en hausse, tout particulièrement chez les jeunes et les populations vulnérables.
Pourtant, le gouvernement semble vouloir libéraliser encore plus ce marché en autorisant les JONUM ou « jeux à objets numériques échangeables » à développer une offre de jeux d’argent et de hasard totalement dérogatoire du droit commun. Un amendement au projet de loi pour « sécuriser et réguler l’espace numérique » autoriserait ces JONUM à offrir des récompenses non seulement en NFT (« non-fungible tokens », objets informatiques uniques) mais également en cryptomonnaie. Rien ne distinguerait plus alors les JONUM de jeux d’argent et de hasard en ligne, sinon l’absence dérogatoire de toute régulation.
Si le texte devait être adopté en l’état, il s’agirait de fait d’une libéralisation totale du marché des jeux d’argent : n’importe quel opérateur, y compris les casinos en ligne actuellement illégaux, pourrait demain s’affranchir du cadre réglementaire en proposant des gains en cryptomonnaie plutôt qu’en euros.
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La loi devrait avant tout protéger les joueurs
Pour que jouer reste une distraction et ne devienne pas une addiction, la Fédération Addiction soutient un cadre législatif et réglementaire robuste pour les jeux d’argent et de hasard :
- l’interdiction de jeu pour les mineurs (et le contrôle effectif de minorité),
- la nécessité pour les opérateurs d’obtenir une autorisation ou un agrément,
- le coffre-fort numérique assurant la traçabilité et la protection des données,
- l’obligation pour les opérateurs de repérer et limiter les usages problématiques,
- l’encadrement de la publicité et du sponsoring.
Autant de règles qui, sous l’autorité de l’Autorité nationale des jeux (ANJ), sont nécessaires pour protéger les joueurs et notamment les plus fragiles.
Ce cadre est déjà précaire : de nombreux sites illégaux existent, la réglementation de la publicité est souvent contournée et l’ANJ ne dispose pas d’outils suffisamment contraignants. Les conséquences en sont déjà visibles : les professionnels de l’addictologie accueillent de plus en plus de joueurs confrontés à des problèmes d’addiction au jeu.
En offrant la possibilité à des opérateurs de s’affranchir de tout contrôle, le risque est grand de voir toujours plus de personnes basculer dans des comportements dangereux pour leur santé et leur situation sociale et familiale.
Pour un marché régulé
La Fédération Addiction appelle les parlementaires à refuser cette libéralisation incontrôlée des jeux d’argent et de hasard, cachée discrètement dans l’article 15 du projet de loi pour « sécuriser et réguler l’espace numérique ». Cet amendement doit être repoussé. L’ introduction éventuelle de gains en cryptomonnaie dans les JONUM devrait contraindre leurs opérateurs à se soumettre comme l’ensemble des autres jeux d’argent et de hasard à la régulation protectrice dont l’Autorité nationale des jeux est garante. Il en va de la santé publique.
Contact presse
Benjamin Tubiana-Rey
responsable plaidoyer et communication
b.tubiana-rey@federationaddiction.fr
06 15 62 81 08
À propos de la Fédération Addiction
La Fédération Addiction est le premier réseau d’addictologie de France. Elle regroupe 190 associations, 850 établissements et services de santé, de prévention, de soins et de réduction des risques ainsi que 500 adhérents individuels, notamment médecins et pharmaciens de ville.