Tribune — « Usage de drogues : ne punissez pas, soutenez l’accès aux droits ! »
Des Philippines au Mexique en passant par la Côte d’Ivoire et l’Europe de l’Est, des milliers de personnes sont incarcérées, battues, torturées, tuées pour avoir consommé des drogues.
Les politiques pénalisant l’usage des drogues ont échoué à réduire l’offre et la demande. Malgré les milliards dépensés dans la répression des trafics et l’augmentation des saisies, ces dix dernières années, la production de drogues a augmenté (+125% pour l’opium, +30% pour la coca) et le nombre de consommateurs au niveau mondial a augmenté d’un tiers.
Pire, la criminalisation contribue à la stigmatisation et la discrimination des personnes usagères, contraignant leur accès aux soins et à des services de prévention. Aujourd’hui, à l’échelle mondiale, une personne sur deux qui s’injecte des drogues vit avec le virus de l’hépatite C et une sur cinq est infectée par le VIH. On retrouve les prévalences les plus élevées dans les pays qui appliquent les lois les plus répressives, au nom de la guerre à la drogue.
Dans cette grande incohérence mondiale, la France est loin d’être un exemple à suivre. Alors qu’elle reste championne en Europe de la consommation de cannabis, chez les jeunes notamment, elle s’obstine à être un des pays les plus répressifs d’Europe en la matière. Récemment, le Parlement a adopté une réforme renforçant l’arsenal législatif de la France, déjà très répressif depuis l’instauration de la loi 1970.
Cette politique a pourtant été dénoncée à plusieurs reprises par nos associations, mais également par des institutions telles que la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) et les instances onusiennes : Organisation mondiale de la santé, Organisation internationale du travail, UNICEF, etc. Toutes pointent l’inefficacité et l’échec de l’approche répressive actuelle et ses conséquences néfastes pour la santé.
A l’inverse, les pays qui ont dépénalisé l’usage de drogues (Portugal) ou mis en place des programmes d’héroïne médicalisée (Suisse, Allemagne) ont vu les nouvelles infections au VIH et à l’hépatite C diminuer considérablement, sans que la consommation de drogues n’ait augmenté de façon significative – les pratiques à risques et la consommation chez les adolescents ont même diminué. Un bilan sanitaire positif qui confirme la nécessité d’adopter une approche pragmatique basée sur la promotion de la santé et non sur une approche morale de la consommation de drogues.
A l’occasion de la Journée internationale contre l’abus et le trafic de drogues proclamée par l’ONU le 26 juin, nos associations défenseuses de la réduction des risques se joignent derrière un message commun : « Soutenez. Ne punissez pas ! ». Par ce message, nous dénonçons les efforts et les ressources actuellement investis dans une guerre à la drogue idéologique et inefficace ; et demandons leur réorientation au profit d’un débat dépassionné sur le cadre légal, axé sur la prévention, la réduction des risques et la promotion de la santé, dans le respect de la dignité et des besoins des individus.
Liste des signataires
- Aurélien Beaucamp, Président de l’association AIDES
- Delphine Boesel, Présidente de l’Observatoire International des Prisons
- Dr. Philippe de Botton, Président de Médecins du Monde
- Jean-Michel Delile, Président de la Fédération Addiction
- Bénédicte Desforges, Collectif Police contre la prohibition
- Katia Dubreuil, Présidente du Syndicat de la Magistrature
- Catherine Duplessy, Directrice de l’association SAFE
- Coline Gruau, Plaidoyer NORML France
- Maxime Laglasse, Président de Techno +
- Fabienne Lopez, Présidente de Principes Actifs
- Dr. William Lowenstein, Président de SOS Addictions
- Carole Mathurin, membre fondateur de l’Association Guyanaise de Réduction des Risques (AGRRR)
- Malik Salemkour, Président de la Ligue des droits de l’Homme
- Christian Sueur, Président du GRECC
- Christian Tharel, Président Fédération des CIRC