Le CESE en faveur d’une légalisation encadrée du cannabis
Chambre consultative créée par la Constitution, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) éclaire les politiques publiques par ses avis. Ce 24 janvier il s’est largement prononcé pour une « légalisation encadrée de la production, de la distribution et de l’usage dit “récréatif” du cannabis ». Cet avis rejoint celui de nombreuses instances s’étant déjà penchées sur la question, dont la « mission parlementaire cannabis » menée par Caroline Janvier.
Un constat d’échec de la loi de 1970
Le CESE est parti du constat qu’en dépit du système de prohibition hérité de la loi de 1970, l’un des plus répressifs d’Europe, la France est le pays de l’Union européenne dont la part de la population consommant du cannabis est la plus grande. Ce constat signe l’échec de la loi de 1970, au regard de ses propres objectifs. Le CESE a ainsi souhaité proposer des pistes concrètes pour l’évolution de la législation sur le cannabis.
Construire un modèle de légalisation encadrée
Le CESE, en s’inspirant de l’expertise du terrain et des exemples de légalisation, notamment au Canada, propose d’opter pour une légalisation encadrée du cannabis. La construction de cette légalisation encadrée se déploierait en deux axes :
- des mesures d’urgence :
- prévention et réduction des risques spécifiques au cannabis et intégrées à l’ensemble des conduites addictives, en particulier à destination des mineurs ;
- dépénalisation de l’usage et de la culture de cannabis à titre personnel, et refonte du dépistage du cannabis au volant en basant la sanction uniquement sur l’emprise.
- Un débat sociétal pour construire un modèle d’encadrement prenant en compte les enjeux sanitaires, sociaux, économiques et environnementaux.
Les propositions du CESE pour ce modèle
Le CESE propose d’ores et déjà un modèle fondé sur 6 points :
- Politique de prévention, de réduction des risques, d’éducation à l’usage et de soins. Cette politique s’adresserait d’abord aux mineurs.
- Régulation de la production de cannabis, notamment de son volume et des surfaces qui lui sont consacrés, dans un modèle fondé sur l’agriculture biologique et la transparence. La régulation séparerait les filières médicales, utiles et récréatives.
- Régulation de la distribution de cannabis en ne l’autorisant que dans des points de vente dédiés soumis à licence. Les distributeurs suivraient une formation à la prévention et à la réduction des risques. Les taux de CBD et de THC seraient affichés sur les produits et associés à des messages de prévention.
- Régulation de l’usage de cannabis qui ne serait autorisé qu’aux personnes majeures. Pour les mineurs, mise en place de commissions d’accompagnement éducative et thérapeutique. Pour les usagers à risques, accompagnement vers des usages à moindre risque.
- Création d’une taxe spécifique pour financer la prévention, le soin et la recherche sur le cannabis. Elle financerait aussi la réhabilitation des quartiers et l’accompagnement des personnes ayant subi les conséquences du trafic en vue du développement de l’économie locale.
- Contrôler la qualité des produits, leur provenance et les modes de culture. Ce contrôle inclurait la lutte contre les trafics en protégeant les lieux de production, de transformation et de distribution.
L'avis du CESE pour une légalisation encadrée du cannabis
Un pas dans la bonne direction
La prise de position du CESE est une bonne nouvelle selon la Fédération Addiction : depuis longtemps les professionnels de l’addictologie font le constat que l’interdiction du cannabis a des effets néfastes sur la prévention et l’accès à l’accompagnement.
Comme le rappelait Jean-Pierre Couteron, psychologue clinicien et auditionné par le CESE au nom de la Fédération Addiction, une légalisation encadrée permettrait de « mettre un cadre à la rencontre avec le produit : il faut des interdits de vente, des horaires, des prix… mais ne pas seulement mettre une barrière. Il faut aller au contact des usagers avec les outils de l’intervention précoce, de la réduction des risques ».