Haltes soins addictions : réponses à quelques idées reçues
Les haltes soins addictions (HSA, anciennement appelées salles de consommation à moindre risque) ont été autorisées par la loi en 2016. Il en existe actuellement deux en France : une à Paris et l’autre à Strasbourg. Elles ont été rebaptisées haltes soins addiction en 2021.
Alors que la consommation de crack à Paris est de nouveau dans l’actualité, beaucoup d’idées circulent sur ces dispositifs. Afin d’y voir plus clair et que les débats puissent avoir lieu sur la base des faits et non de rumeurs, la Fédération Addiction répond à quelques unes des idées reçues sur la question.
« Les haltes soins addictions sont des “salles de shoot” »
INEXACT L’expression « salle de shoot » est très fréquemment utilisée : elle ne rend pourtant pas compte de ce qu’il se passe réellement dans une halte soins addictions. Si les consommateurs de drogues y sont effectivement accueillis pour consommer des produits dans des conditions d’hygiène qui réduisent les risques pour leur santé (notamment en limitant les risques de plaies, d’abcès et de transmissions de maladies comme le VIH et l’hépatite C), il peut s’agir non seulement d’injection mais également d’inhalation (ou de sniff à la salle de Strasbourg). Mais surtout, le travail des professionnels de la salle ne se limite pas à cela. Les usagers peuvent bénéficier d’un accompagnement sanitaire (consultations avec un médecin ou un infirmier, réorientation vers des services d’addictologie ou de psychiatrie…) et social (questions administratives, d’hébergement, de logement, de justice, etc.). Parler de « salle de shoot » est donc réducteur par rapport à la réalité.
« La création d’une halte soins addictions entraine l’installation de toxicomanes dans le quartier. »
FAUX Les haltes soins addictions n’ont pas été installées au hasard. Par exemple à Paris, le quartier de la gare du Nord est depuis de nombreuses années fréquentés par des usagers de drogues en errance : depuis les années 1980 pour les consommateurs d’héroïne, les années 1990 pour les consommateurs de crack. Il est donc faux de dire que c’est la HSA qui a poussé les consommateurs à être présents dans le quartier. De plus, selon l’étude de l’INSERM sur les HSA, l’installation de la salle dans le quartier a permis de réduire le nombre de consommations dans l’espace public. Le nombre de seringues abandonnées dans la rue dans le quartier a ainsi été divisé par trois. Ce qui est cohérent avec les données enregistrées dans d’autres pays (-50 % à Sydney, -75 % à Barcelone).
« Les haltes soins addictions poussent les consommateurs à continuer à prendre des drogues plutôt qu’à arrêter. »
FAUX La halte soins addictions n’est pas une simple « salle de shoot » : elle fait partie d’un dispositif pluridisciplinaire qui permet non seulement l’accueil mais aussi l’accompagnement et la réinsertion des usagers de drogue. Les personnes accueillies font généralement partie d’un public très précaire. Ils cumulent des soucis d’addiction avec des problèmes de logement, d’emploi, de santé mentale, etc. En fréquentant une halte soins addictions, en plus de l’impact bénéfique lié à la consommation (réduction des risques de surdoses ou de transmissions de maladies), ils peuvent avoir accès à des services sanitaires et sociaux.
« Plutôt qu’accompagner la consommation de drogue, il faudrait forcer les toxicomanes à se sevrer. »
FAUX Forcer des personnes atteintes d’une addiction à se sevrer n’est pas efficace. Selon la Haute Autorité de santé : « La fréquence des rechutes et des décès après un sevrage forcé montre que la contrainte et les pressions sont non seulement incompatibles avec l’établissement d’un contrat de soin, mais aussi inefficaces au plan thérapeutique voire nuisibles. » Les addictions sont au cœur de problématiques médicales, sociales, psychiatriques. La halte soins addictions est une porte d’entrée vers un dispositif qui peut conduire vers le soin.
« L’installation d’une halte soins addictions dans un quartier y entraine une hausse de la délinquance. »
FAUX En France comme dans les nombreux pays où les salles de consommation existent, les études sur la question montrent que l’implantation d’une salle a un impact neutre ou positif sur la sécurité du quartier. L’étude de l’INSERM publiée en 2021 sur les salles de Paris et Strasbourg montre que les consommateurs de drogue utilisant la HSA commettent entre 15 et 28 % moins de délits par rapports aux consommateurs qui ne la fréquentent pas. Les policiers du 10e arrondissement de Paris déclarent « que le quartier où la SCMR est implantée n’est pas considéré comme particulièrement difficile depuis sa mise en place, en comparaison avec d’autres quartiers du 10e arrondissement ».
« Il existe un périmètre de 300 mètres autour d’une halte soins addictions où la police ne peut pas intervenir sur les trafics. »
FAUX Le trafic de drogues est interdit partout. La loi de 2016 autorisant les haltes soins addictions prévoit une immunité pour les usagers à l’intérieur de la salle. Une circulaire du garde des sceaux indique que les usagers qui se rendent à la salle bénéficient d’une tolérance à ses abords pour apporter leurs produits, ce qui a été rappelé par le procureur de Paris. Le trafic de drogues est en revanche toujours interdit, y compris aux abords de la salle. La circulaire prévoit même une « politique pénale empreinte de fermeté. » Les forces de police restent par ailleurs présentes autour de la salle comme partout ailleurs. Elles y procèdent à des interpellations pour des infractions multiples.
« Il faut implanter les haltes soins addictions loin des quartiers résidentiels. »
MAUVAISE IDÉE L’installation d’une salle loin du lieu de consommation dans l’espoir d’y attirer les usagers a été testée dans d’autres pays : cela ne fonctionne pas. En effet, l’implantation d’une salle de consommation sur un lieu n’est pas choisie au hasard : elle vise à contenir la « scène ouverte » c’est-à-dire la consommation dans l’espace public. Encore faut-il que le nombre de places disponibles soit suffisant : l’Île-de-France ne compte pour l’instant qu’une HSA pour 12 millions d’habitants là où Hambourg, Barcelone, Francfort comptent jusqu’à 7 salles.
« Les haltes soins addictions sont implantées sans consulter les riverains »
INEXACT Les associations et les pouvoirs publics associent les riverains non seulement à l’implantation mais également au fonctionnement de la halte soins addictions. À Paris, un comité de voisinage se réunit régulièrement afin de répondre aux questions et préoccupations des riverains et faire le lien entre les différents acteurs. Association gestionnaire, élus, riverains, administration, police en font partie. Ses compte-rendu sont disponibles sur le site de la mairie du 10e arrondissement.
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© Salle de consommation à moindre risque de Strasbourg – Claude Truong-Ngoc / Wikimedia Commons – cc-by-sa-3.0