Transformer les politiques de prévention en santé : la contribution de la Fédération Addiction aux journées parlementaires
Dans le cadre des journées parlementaires dédiées aux politiques de la prévention en santé, la Fédération Addiction souhaite rappeler l’importance cruciale et transversale des addictions en tant que déterminant majeur de santé et facteur important des inégalités sociales de santé.
Les addictions : un enjeu autant sanitaire que social
Les conduites addictives, y compris comportementales, nous concernent tous : elles résultent de la rencontre d’une personne, d’un produit et d’un contexte particulier. Les chiffres sont clairs quant à leur étendue : 25 % des jeunes de 17 ans fument du tabac tous les jours, 60 % des collégiens ont déjà bu de l’alcool et le premier joint est consommé à 15,3 ans en moyenne1. Loin de ne concerner que les jeunes, les conduites addictives touchent également les plus âgés : un tiers des femmes âgées de 45 à 54 ans sont fumeuses, et 1 résident d’EHPAD sur 5 prend au moins 3 psychotropes.
Outre les conséquences en termes sanitaires – les addictions au tabac et à l’alcool sont parmi les principales causes de mortalité prématurée et de mortalité évitable2, avec notamment près d’un tiers des cancers qui leur sont dus – les conduites addictives sont également des facteurs causaux essentiels des inégalités sociales en santé. En effet, plus les populations sont en difficulté sociale, plus elles sont à risque d’addiction (tabac, alcool, cannabis…), et plus leur mortalité est précoce. Pour atteindre et accompagner les publics, notamment les plus vulnérables, des solutions existent et doivent être développées. La Fédération Addiction promeut une approche intégrant la prévention, le soin et la réduction des risques – qui, loin de s’opposer, sont complémentaires. Sur le terrain, cette approche se décline dans différentes structures : les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA), les consultations jeunes consommateurs (CJC), les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (CAARUD), les consultations ou séjours à l’hôpital, le soin résidentiel et le premier recours avec les médecins généralistes. En lien avec les usagers et leur savoir expérientiel, ces professionnels représentés par la Fédération Addiction alertent aujourd’hui sur le manque criant de moyens nécessaires à l’application de leurs compétences.
Aujourd’hui à l’Assemblée nationale a lieu la 1re journée parlementaire de la prévention organisée par @CIsaacSibille et @iacovellixavier. En ouverture @FrcsBraun annonce vouloir faire de la France « une nation de la prévention » pic.twitter.com/PB0WHd45sz
— Fédération Addiction (@FedeAddiction) December 14, 2022
Donner au cadre législatif les moyens de son ambition
La mission de prévention des CSAPA a été rendue obligatoire en 2016. Pourtant, cette évolution n’a pas été accompagnée de dotations financières stables, essentielles pour sa mise en œuvre : à ce jour, cette mission est sous-financée, dispersée, et surtout, ponctuelle. Le système des appels à projet pour seulement deux ou trois ans de mise en œuvre effective ne permet pas une inscription dans la durée des mesures de prévention, durée pourtant essentielle à leur réussite. Enfin, les sources de ces financements ne sont pas assez diversifiées : les niveaux régionaux et locaux sont trop souvent éclipsés en faveur du niveau national. Les CJC des CSAPA en sont l’exemple le plus parlant : spécialisées en prévention, elles souffrent d’un déficit de moyens financiers et humains. Une étude de la Fédération Addiction a montré que l’effectif moyen des CJC est inférieur à 1 équivalent temps plein (0,94 ETP), avec un budget annuel de fonctionnement inférieur à 50 000 €.
Cela les empêche de mettre en œuvre de manière effective des actions hors-les-murs visant à « aller vers » les publics dans leur contexte de vie. Elles sont alors contraintes de limiter leurs activités à la partie consultation, et sont privées de la possibilité de lancer des actions complémentaires à la prévention seule (réduction des risques, intervention précoce, renforcement des compétences psychosociales, approches expérientielles…)
La demande de pérennisation financière des missions de prévention (« ondamisation ») était précisément un sujet abordé par la Fédération lors du dernier PLFSS : nous proposions d’inscrire le financement de la mission de prévention des CSAPA dans le Code de la sécurité sociale. À cette occasion, nous proposions également de retravailler les nouveaux « rendez-vous de prévention » adressés aux 20-25 ans, 40-45 ans, et 60-65 ans, annoncés par le gouvernement. En effet, la prévention des addictions n’est prévue qu’à destination des 20-25 ans. Une décision étonnante et incohérente avec la réalité des conduites addictives. Pour les jeunes, ces rendez-vous sont de plus insuffisants : ils ne commenceraient qu’à partir de 20 ans, alors que, par exemple, 90 % des fumeurs qui mourront de leur tabagisme ont commencé à fumer… avant leur 20 ans3.
Aujourd’hui, la prévention ne reste qu’une collection de mesures individuelles, ne permettant pas de dessiner une politique de prévention véritablement impactante. Afin d’atteindre ses ambitions, le cadre législatif se doit donc d’expliciter les modalités de financements qui permettront aux professionnels de terrain de mettre en place un soin coordonné, complémentaire, et durable.
Aujourd’hui, la prévention ne reste qu’une collection de mesures individuelles, ne permettant pas de dessiner une politique de prévention véritablement impactante.
Prévenir les addictions tout au long de la vie
Nous recommandons plusieurs mesures législatives prioritaires, nécessaires à la définition d’une politique de prévention concrète et cohérente. Ces recommandations s’inscrivent totalement dans les 4 axes de réflexion des journées parlementaires pour la prévention en santé, et ce de façon transversale et complémentaire :
- Pour un cadrage national de la prévention, la Fédération Addiction demande l’inscription de financements pérennes pour les missions prévention des CSAPA dans les textes de loi, l’explicitation du rôle des régions et des territoires dans la dotation de ces financements, ainsi que la prise en compte des inégalités sociales de santé dans les articles juridiques relatifs à la prévention des addictions.
- Pour une prévention dès le plus jeune âge, la Fédération Addiction demande l’inscription de financements à hauteur des besoins pour les consultations jeunes consommateurs dans les textes de loi (au moins supérieurs à 1,5 ETP), l’intégration d’une tranche d’âge inférieure à 20 ans dans les rendez-vous de prévention, et des financements fléchés à destination des jeunes et des parents.
- Pour une prévention en faveur des actifs, la Fédération Addiction demande l’intégration de tranches d’âge supplémentaires dans les rendez-vous de prévention – notamment destinés aux publics les plus éloignés du système de soin, l’inclusion de la prévention des addictions dans tous les nouveaux rendez-vous de prévention, quelle que soit la tranche d’âge, ainsi que des actions fléchées en direction du monde du travail.
- Pour une prévention auprès des personnes âgées, la Fédération Addiction demande l’inscription d’actions de prévention spécifiques au grand âge dans les articles juridiques relatifs à la prévention des addictions.
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