Avis du HCSP sur la vape : des experts en retard sur la société… malgré de timides avancées
Lire le communiqué de la Fédération Addiction sur l'avis du HCSP
Le Haut Conseil de la santé publique – instance d’aide à la décision auprès des pouvoirs publics en matière de santé – vient d’actualiser son avis concernant les systèmes électroniques de délivrance de nicotine (SEDEN) notamment sur leur possible utilisation comme aide au sevrage tabagique. Son avis de 2016, faisait de la cigarette électronique un outil de réduction des risques du tabagisme, mais laissait en débat son intérêt dans le sevrage.
Les adhérents de la Fédération Addiction expérimentent régulièrement l’apport des e-cigarettes dans la réduction des risques (RdR) en matière de lutte contre le tabagisme. Ils regrettent que ce nouvel avis soit encore pris dans des logiques contradictoires et qu’il formule des recommandations alambiquées et « dissuasives » pour les professionnels et les patients sur intérêt dans le sevrage. Ils constatent que la relation entre initiation de SEDEN et initiation au tabac est insuffisamment documentée et n’aurait pas dû conduire à cette position de fermeture.
L’avis du HCSP relatif aux bénéfices-risques de la cigarette électronique porte sur 4 questions :
- Aide au sevrage tabagique ?
- Spécificités populationnelles ?
- Porte d’entrée pour les jeunes non-fumeurs ?
- Risque que les SEDEN engendrent une renormalisation de la consommation de tabac ?
Pour cela, le HCSP semble s’être plus appuyé sur des méta-analyses issues de la littérature scientifique que sur les contributions de diverses parties prenantes, notamment celles des personnes concernées et des professionnels de l’addictologie.
La vape et l'aide au sevrage
Le HSCP considère qu’au regard de données probantes insuffisantes dans la littérature scientifique concernant l’efficacité de la vape pour le sevrage, les professionnels ne doivent pas proposer des SEDEN et plutôt recommander à leurs patients des outils éprouvés (type thérapie de substitution nicotinique – TSN ou médicaments).
La première recommandation déconseille aux professionnels de santé de proposer cette approche d’aide au sevrage, dans le même temps où la seconde recommandation indique que cette approche, hors système de santé, peut être une aide pour certains consommateurs et améliorer leur santé et que la recommandation n° 3 indique que les SEDEN pourraient être proposés par les professionnels de santé (en deuxième intention) aux publics vulnérables… Comprenne qui pourra… Cette « clarté obscure » nous semble source de confusion et d’anxiété en un temps où beaucoup de fumeurs ont, quoi qu’il en soit, fait le choix de cette approche pour décrocher du tabac fumé. L’urgence serait plutôt de les y accompagner au mieux.
Le niveau de preuves d’efficacité des cigarettes électroniques est, en l’état, plus faible que celui d’approches médicamenteuses et/ou substitutives (TSN) ayant fait l’objet d’études spécifiques pour être autorisées. Mais le choix des patients est décisif en addictologie, conformément à l’approche motivationnelle, et bien souvent ce choix les oriente vers les SEDEN plutôt que vers les TSN par exemple, c’est une évidence manifeste…
La vape pour les populations spécifiques
Pour les publics en situation de précarité, l’avis du HCSP envisage positivement l’utilisation des e-cigarettes, actant d’une bonne acceptabilité dans cette population.
Les inégalités de santé, importantes et même croissantes en matière de tabagisme, imposent d’utiliser tous les outils disponibles. La Fédération Addiction réclamait cette avancée mais regrette que cette approche diversifiée ne soit pas ouverte à l’ensemble des fumeurs. Il s’agit en effet d’augmenter l’acceptabilité de l’offre de soins tout en développant la culture de réduction des risques dans une perspective de parcours de sortie du tabagisme. En effet, les outils de RdR et de soins peuvent eux-mêmes évoluer ou être associés en fonction de l’évolution des personnes. Les professionnels de santé doivent soutenir et accompagner ces mouvements, plutôt que les condamner ou les freiner.
Car si l’objectif final est l’arrêt du tabac, les professionnels de l’addictologie savent qu’il est préférable de ne pas se limiter à une approche mais de partir des attentes, elles même diversifiées et évolutives (arrêter, réduire, vapoter, substituer etc..), des personnes pour les accompagner. La recherche d’alliance et non la volonté d’imposer aux personnes ce qu’on pense le mieux pour elles est un axe important d’intervention, ce qu’illustre parfaitement le phénomène de la vape.
La vape est-elle une porte d’entrée vers le tabagisme pour les jeunes ?
Des données américaines ont mis en évidence un doublement du tabagisme chez les adolescents jamais-fumeurs qui expérimentent l’e-cigarette, sans pour autant que le lien de causalité ne soit prouvé. Cependant, comme le rappelle régulièrement le professeur Bertrand Dautzenberg, ces études omettent que la vape est un concurrent du tabac et que cet effet de concurrence semble l’emporter sur l’effet « porte d’entrée » comme le montrerait le fait qu’aux États-Unis, le taux de fumeurs adolescents se soit effondré avec l’arrivée de la vape.
Dans un domaine où la rapidité des évolutions sociales bouscule la temporalité, nécessairement plus lente, des études scientifiques, les décisions prises devraient pouvoir reposer sur un échange entre les données « evidence based » et les données observationnelles de grande échelle. Le principe de précaution ne doit pas être un principe d’inertie amenant, par « précaution », à oublier et à taire que vapoter reste moins dangereux que fumer…
Ainsi, de notre point de vue, l’état actuel des données ne permettant pas de répondre à la question de savoir si la vape est ou non une porte d’entrée en tabagisme : renvoyer dos-à-dos fumer et vapoter revient à ne tenir compte ni de l’effet de concurrence ni de la moindre dangerosité de la vape.
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S'engager contre le tabagisme avec tous les outils : vivement le troisième avis du HCSP !
En conclusion, la Fédération Addiction, engagée dans la lutte contre le tabagisme, s’attache à accompagner l’évolution des pratiques professionnelles, en s’appuyant sur les données scientifiques, dans leur diversité et complémentarité, mais aussi sur les questionnements et observations des professionnels et les retours d’expérience des fumeurs.
Au regard de ces différentes sources de données concernant la complémentarité des outils existants pour le sevrage tabagique (traitements de substitution et vape), la Fédération encourage la poursuite de travaux de recherche concernant l’efficacité potentielle des outils utilisés en synergie.
La Fédération Addiction continuera à se mobiliser tant auprès du grand public (via l’amélioration de la prise en charge du tabagisme dans les CSAPA ou encore le Mois sans tabac) et des jeunes que des personnes en situation de précarité.
Elle appelle les autorités de santé publique à être plus attentives aux initiatives venues du terrain (patients et professionnels) et à être moins fermées à ces savoirs profanes. En addictologie c’est bien du terrain que viennent bien souvent les innovations les plus pertinentes, bien avant que les autorités académiques ne les reconnaissent et que les études randomisées ne les « prouvent » . Vivement le troisième avis du HCSP !