À l’ONU, le consensus répressif sur les drogues s’érode de plus en plus
Les 14 et 15 mars 2024, pour la première fois depuis 2019, l’ONU réunissait à Vienne des ministres et représentants d’États du monde entier autour des politiques des drogues.
Alors que de plus en plus de voix s’élèvent pour remettre en cause la « guerre à la drogue » sur laquelle repose le système international de contrôle des stupéfiants depuis les années 60 — tant de la part d’ONG que d’organes des Nations-Unies, cette réunion a été l’occasion pour une coalition d’États d’appeler à une réforme profonde.
La manière dont les politiques des drogues affectent le respect des droits humains ne peut plus être ignorée
Une soixante de pays — dont tous les États membres de l’Union européenne — réunis par la Colombie, ont signé un texte affirmant que « le système international de contrôle des drogues tel qu’il est appliqué actuellement doit être repensé ». La déclaration commune alerte sur les conséquences catastrophiques des politiques punitives en matière de drogue, qui alimentent la violence, la corruption et la dévastation de l’environnement, tout en compromettant la santé, le développement et les droits humains.
Le président colombien Gustavo Petro est d’ailleurs intervenu par vidéo, qualifiant le système international actuel d’« anachronique et indolent ».
Pour la première fois, le haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’homme était présent en personne à Vienne où il a appelé à un « changement transformateur de la politique des drogues à l’échelle mondiale ». Sa déclaration fait suite au rapport d’août 2023 dans lequel le haut-commissaire alertait sur l’impact considérable des politiques des drogues sur les droits fondamentaux. Le rapport indique que, dans les cas les plus graves, la politique de répression conduit à une militarisation de l’action des forces de l’ordre, une escalade de l’emploi de la force létale, des exécutions extrajudiciaires voire l’application de la peine de mort pour infraction à la législation sur les stupéfiants. Plus généralement, le rapport du Haut-Commissariat se préoccupe du « recours inutile et disproportionné au système de justice pénale pour traiter les infractions liées à la drogue, une approche qui a entrainé une croissance exponentielle de la population carcérale. »
La société civile mobilisée pour le changement
Depuis de nombreuses années, des ONG dénoncent la « guerre à la drogue » : les politiques visant à interdire et à éradiquer les drogues n’ont pas permis de réduire les marchés illégaux ni de contrôler la criminalité organisée. Pire, de nombreuses données montrent que le paradigme punitif promu par le système actuel de contrôle des drogues sape la promotion de la santé, les droits humains et le développement durable. Ainsi, dans son rapport intitulé En déroute, le Consortium international sur les politiques des drogues – IDPC s’appuie sur de nombreuses données et sur les remontées de la société civile et des communautés concernées pour démontrer que les objectifs que s’étaient fixés les États en 2019 sont loin d’être atteints.
Plusieurs organisations françaises étaient présentes à Vienne, dont la Fédération Addiction qui fait partie de la Plateforme française de la société civile sur les politiques internationales des drogues. Une rencontre a été organisée entre la plateforme et la délégation gouvernementale française, en présence de l’ambassadrice Delphine Hournau-Pouëzat, représentante permanente de la France auprès de l’ONU à Vienne : l’occasion pour les organisations représentées d’exprimer leur satisfaction de voir la France signer la déclaration portée par la Colombie tout en regrettant ce qui apparait comme un manque de coordination dans les prises de position françaises à Vienne et à Genève.