Un nouveau rapport met en lumière l’échec de la « guerre à la drogue » au niveau mondial
Un rapport publié ce 5 décembre par le Consortium international sur les politiques des drogues (IDPC) met en évidence l’échec dramatique de la stratégie actuelle des Nations unies (ONU) pour parvenir à un « monde sans drogue » ainsi que les conséquences dévastatrices de la « guerre à la drogue » qu’elle sous-tend. Le rapport exhorte la communauté internationale à une réforme urgente.
Le rapport, intitulé En mauvaise voie : Rapport alternatif pour l’examen à mi-parcours de la Déclaration ministérielle sur les drogues de 2019, détaille l’échec mondial dans la réalisation des objectifs fondamentaux de la stratégie actuelle des Nations unies (la Déclaration ministérielle sur les drogues de 2019). Au lieu de cela, les efforts pour contrôler les drogues ont eu des conséquences dévastatrices pour la sécurité, la santé et les droits humains de millions de personnes.
Télécharger le rapport alternatif de l'IDPC
« Nous sommes à mi-parcours de la stratégie mondiale actuelle sur les drogues, qui s’étend sur 10 ans. Et pourtant les gouvernements n'ont fait aucun effort pour procéder à son évaluation sérieuse. Lorsque les gouvernements se réuniront à l'ONU en mars 2024, il est probable qu'ils approuvent une fois de plus la poursuite de la catastrophique « guerre à la drogue » alors que personne ne pense qu'elle puisse être un succès »
Ann Fordham, directrice exécutive de l'IDPC
Pour Ann Fordham, directrice exécutive de l’IDPC : « Notre rapport comble le vide dans l’évaluation de la stratégie de l’ONU et apporte des preuves nécessaires au débat sur les drogues. Les gouvernements ne peuvent pas continuer à se dérober face à des décennies d’échec et doivent de toute urgence rectifier le tir. Ce manquement persistant à leur devoir se fera durement ressentir dans les communautés partout dans le monde ».
Contexte : qu'est-ce que la stratégie mondiale en matière de drogue ?
En 2019, les États membres de l’ONU, réunis au sein de la Commission des stupéfiants, ont adopté une Déclaration ministérielle pour le « Renforcement des actions que nous menons aux niveaux national, régional et international, pour accélérer la mise en œuvre de nos engagements communs à aborder et combattre le problème mondial de la drogue ».
Les 14 et 15 mars 2024, les Nations Unies se réuniront de nouveau à Vienne pour un débat de haut niveau politique afin de procéder à un examen à mi-parcours de cette Déclaration ministérielle de 2019. D’ici au mois de mars, une série de réunions et de négociations auront lieu à l’ONU afin de discuter des progrès réalisés depuis 2019 et de préparer le terrain pour les cinq prochaines années de politique mondiale en matière de drogues. C’est dans ce contexte que le rapport alternatif de l’IDPC est publié. De plus amples informations sur le processus de l’ONU sont disponibles ici.
S’appuyant sur une large panoplie de données provenant à la fois des Nations unies, de sources gouvernementales, universitaires et de la société civile, le rapport de l’IDPC est la seule évaluation complète de la politique mondiale en matière de drogue et illustre un effondrement de l’ensemble du système :
- Malgré les milliards de dollars dépensés chaque année pour freiner les marchés et la disponibilité des drogues, le nombre de personnes usagères de drogues est passé de 271 à 296 millions en quatre ans, atteignant un record historique.
- Les dernières estimations mondiales sur les décès liés à la consommation de drogues ont atteint 494 000 pour la seule année 2019 (dernières données mondiales disponibles), avec une recrudescence des décès par surdose.
- Le nombre de personnes exécutées pour des infractions liées à la drogue, en violation flagrante du droit international, a augmenté de 213 % entre 2019 et 2022.
- Alimenté par des lois punitives sur les drogues, le nombre de personnes incarcérées dans le monde est passé de 10 millions à 11,5 millions entre 2019 et 2023 – dont plus de 2 millions de personnes emprisonnées pour des infractions liées à la drogue.
- À l’échelle mondiale, seule une personne sur cinq souffrant de dépendance à la drogue a accès à un traitement.
- La disparité choquante dans l’accès aux médicaments contrôlés se poursuit : plus de 82 % de la population mondiale a accès à moins de 17 % de la morphine produite dans le monde.
Confronté à cet échec, l’ancien consensus qui sous-tend la prohibition mondiale se fissure. Depuis 2019, le nombre de personnes pouvant légalement avoir accès à des substances sous contrôle pour un usage non médical a plus que doublé et dépasse désormais 294 millions. En 2023, le Haut-Commissariat des Nations unies aux Droits de l’Homme est devenu la première entité de l’ONU à appeler à une réglementation légale pour protéger la santé et la sécurité des communautés.
En France aussi, les organisations du Collectif pour une nouvelle politique des drogues dénoncent dans une tribune « les effets pervers de la pénalisation de l’usage de drogues » et appelle « la classe politique à sortir sans attendre de l’impasse de la surenchère répressive envers les consommateurs. »
À propos du Consortium international sur les politiques des drogues
Le Consortium international sur les politiques des drogues (IDPC) est un réseau mondial de plus de 190 ONG qui travaillent collectivement pour promouvoir des politiques en matière de drogues centrées sur la personne et respectueuses des droits humains aux niveaux national, régional et international.
Contact : Juan Fernández Ochoa, chargé de campagnes et de communications jfernandez@idpc.net