Renforcer la réduction des risques dans tous ses états, une évidence sanitaire

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Article rédigé par Fédération Addiction 24 octobre 2017

La publication par l’OFDT de son enquête1 auprès des usagers fréquentant les Centres d’Aide et d’Accompagnement à la Réduction des Risques pour les Usagers des Drogues (CAARUD), dévoile des informations précieuses sur le public qui demande un accompagnement centré sur la réduction des risques.

 

Elles illustrent le nécessaire développement de la politique en matière de Réduction des Risques et des Dommages (RDRD), notamment par un décloisonnement des pratiques de prévention et de soins (premier recours, services hospitaliers, Consultation Jeunes Consommateurs (CJC) secteur social, etc.).

Une population et des consommations variées qui invitent à la transversalité des pratiques

Ce public reste majoritairement masculin, 4 hommes pour une femme, plus âgé (38,2 ans contre 33,4 ans auparavant), composé de personne vivant seules (64%), 1/3 seulement ont un logement stable et dont la précarité augmente (19% sont en forte précarité). La situation des moins de 25 ans, est encore pire : 42% sont en forte précarité, 20 % sont sans abri, 57% n’ont aucune ressource légale ou officielle, du fait de l’absence de prestations sociales, et 21% n’ont aucune protection santé. Des parents consommateurs, particulièrement des femmes ayant des enfants à charge, passent aussi dans ces dispositifs.

Mais les CAARUD reçoivent aussi, et de plus en plus, une population insérée socialement, consommatrice de drogues illicites qui vient y chercher un matériel de RdRD qu’elle ne peut trouver ailleurs.

Pour aller vers ce public jeune précarisé, le décloisonnement des pratiques de prévention, de soins et de réduction des risques (CAARUD, milieu festif, CJC, Centre de Soin et de Prévention en Addictologie, Equipe de Liaison et de Soins en Addictologie, social, SAMU social, PASS, santé mentale et précarité, missions locales…) doit être encouragé, avec une attention particulière  sur les questions de parentalité  et les stratégies de RDR (grossesse, périnatalité, petite enfance).

Pour rencontrer les publics insérés, il faut renforcer l’aller vers en contextes festifs, avec l’analyse de produits, la RDR 2.0, les Programmes d’Echanges de Seringues (PES) en pharmacie…mais aussi en médecine de ville, dans les équipes de liaison des hôpitaux, en CSAPA, en travaillant toujours plus en interdispositifs.

Des consommations et pratiques à risques qui évoluent et doivent trouver de meilleures réponses 

Le rapport confirme la forte prégnance des consommations d’alcool et la progression des consommations de sulfate de morphine, de MDMA et de cocaïne constatées sur le terrain. On relève aussi l’augmentation des consommateurs de médicament codéinés (antitussifs ou antalgiques sous forme de sirops ou de comprimés), mise en lumière par l’actualité de cet été.

Globalement, ces consommations et pratiques à risques invitent à poursuivre l’évolution des pratiques de RDR alcool dans les CAARUD, à réfléchir à des stratégies innovantes au regard de l’augmentation des consommations de cocaïne et accélérer la mise en place de l’accompagnement aux risques liés à l’injection.

Retarder l’injection et accentuer l’accessibilité au matériel de RDR

La pratique de l’injection reste stable (63% des usagers ont déjà injecté au moins une fois dans leur vie et 47% dans le dernier mois). L’âge moyen de la première injection recule à 22,3 ans en lien avec des modes d’entrée dans l’usage (sniff et inhalation à chaud) qui sont abandonnés ultérieurement quand l’usager devenu dépendant veut optimiser son usage. Le partage de seringue et la réutilisation de sa propre seringue, pratiques qui multiplient les risques, semblent reprendre.

La première injection reste majoritairement pratiquée avec de l’héroïne, mais le tassement de celle-ci se confirme au profit du sulfate de morphine et de la cocaïne. L’injection est pluriquotidienne. Quant à la cocaïne, elle est de plus en plus fumée après « basage » (44 %), rendant plus que nécessaire la diffusion de pipe à crack.

Il paraît donc nécessaire :

  • d’élargir les destinataires et les modalités d’informations sur les pratiques à moindre risque, et de développer l’accès au matériel stérile, seringues et autres pipes à crack.
  • de développer la prévention du passage à l’injection et à la promotion d’alternatives à l’injection
  • de poursuivre le déploiement des programmes de prévention et de traitement des overdoses par la mise en œuvre effective de la dispensation de Naloxone en CAARUD

Promouvoir le dépistage et le traitement du VHC

Enfin, les taux de dépistage VHC et VIH en repli invitent à renforcer le dépistage et le diagnostique d’hépatite C en promouvant les Tests Rapides d’Orientation Diagnotique (TROD) et buvards (Dried blood spot testing), et faciliter l’accès au traitement VHC en élargissant les possibilités de prescription aux médecins exerçant en CSAPA/CAARUD.

CONTACT
Fédération Addiction

Caroline Prat
Chargée de mission
06 17 40 72 50

1 Tendances N° 120, résultats de l’enquête ENa-CAARUD qui a lieu tous les deux ans

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