Nouvelle Agence de l’UE pour les questions liées aux drogues : la société civile demande plus de place pour la réduction des risques et le soin
Le Forum européen de la société civile sur les drogues, coordonné par la Fédération Addiction, se félicite qu’une agence plus forte et bien financée se charge des questions des drogues au sein de l’UE mais s’inquiète de l’indépendance de la nouvelle entité. Les questions de santé, de réduction des risques et du soin semblent par ailleurs occuper une place mineure dans le mandat de l’Agence. Nous avons donc réagi.
Depuis 1993, l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) fournit un travail précieux et nécessaire. La drogue est souvent vectrice d’idéologies diverses et de tensions internationales : une épidémiologie rigoureuse et objective est absolument indispensable. L’OEDT est un organe transversal qui s’occupe autant des enjeux de trafics et de sécurité que de santé, d’accès aux soins et à la réduction des risques.
Début 2022, la Commission européenne a proposé de transformer l’observatoire en une Agence de l’UE pour les questions liées aux drogues.
La société civile, représentée au niveau de l’Union européenne par le Forum européen de la société civile sur les drogues (Civil Society Forum on Drugs ou CSFD, coordonné par la Fédération Addiction) se félicite de voir le mandat de l’OEDT prolongé et élargi. Cependant, la proposition de la Commission soulève plusieurs questions sur l’indépendance de la nouvelle agence, mais aussi sur la place de la réduction des risques et du soin dans ses missions.
L’Agence de l’UE sur les questions liées aux drogues : qu’en sera-t-il de la réduction des risques et du soin ?
La proposition de la Commission européenne pour la nouvelle Agence de l’UE sur les questions liées aux drogues reprend et élargit le mandat jusqu’alors confié à l’OEDT d’évaluation des politiques nationales sur les drogues. En effet l’OEDT joue un rôle majeur dans la collecte de données sur l’efficacité des politiques des États membres : renforcer le rôle de l’Agence sur cette mission devra permettre d’adopter des politiques et des programmes basés sur des preuves scientifiques à travers toute l’Europe.
Toutefois, dans sa réponse aux propositions de la Commission, le CSFD s’inquiète que le mandat de la future Agence soit orienté en priorité sur les questions de l’offre au détriment des questions de consommation et de santé. Le CSFD relève que qu’une approche sécuritaire des drogues va à l’encontre des évaluations externes de l’OEDT fournies à l’aune de ce renouvellement, alors même que d’autres agences de sécurité ont déjà un mandat de veille et de coordination de ces politiques de répression.
Télécharger la réponse du CSFD à la proposition de la Commission européenne
De plus, même lorsque les questions de consommation sont abordées par la proposition de la Commission, elles se concentrent presque uniquement sur la prévention en oubliant la réduction des risques et les enjeux de santé. Ainsi, le CSFD note que la prévention est mentionnée 41 fois dans le document contre seulement 5 fois pour la réduction des risques et les traitements et rien pour le rétablissement. Pourtant, il s’agit d’un angle essentiel, et les acteurs de terrain et les usagers ont absolument besoin d’une agence indépendante qui vienne évaluer la plus-value d’une approche pragmatique et de réduction des risques en santé.
Les organisations de la société civile souhaitent donc que Commission européenne revoie sa copie. Le mandat de la nouvelle Agence de l’UE sur les questions liées aux drogues doit être équilibré entre prévention, réduction des risques, traitement, soin, réhabilitation, rétablissement et réintégration sociale.
Une agence indépendante ?
Autre point d’inquiétude : la question du statut de l’Agence de l’UE sur les questions liées aux drogues. L’OEDT est jusque-là une structure autonome : son indépendance lui permet de publier des données scientifiques sans pression politique ni interférence. Le CSFD souhaite que le statut de l’Agence soit clarifié et qu’il mentionne explicitement l’importance des preuves scientifiques dans le travail sur les drogues.
Les politiques répressives sur les drogues ont souvent entrainé des violations des droits fondamentaux. Alors même que la proposition de la Commission met en avant les questions sécuritaires, l’absence de mention des droits humains dans le document est préoccupante.
Enfin, le CSFD insiste pour que la participation de la société civile soit clarifiée. Un mécanisme clair doit être mis en place pour que les organisations et les communautés concernées soient consultées.