Un projet de capitalisation d’actions de réduction des risques alcool : 4 questions à la SFSP

Partager sur

Article rédigé par Marine Gaubert 10 août 2024
La Société française de santé publique (SFSP) a porté entre 2020 et 2023 un projet de capitalisation des savoirs expérientiels sur la réduction des risques liés à l’alcool. Timothée Delescluse, chef de projet, nous en explique les principaux enseignements.

Pourquoi la SFSP s'est-elle mobilisée sur la thématique de la réduction des risques liés à l'alcool?

Timothée Delescluse : C’est une thématique qui a été portée par nos adhérents, dont la Fédération Addiction ! En 2019, de nouvelles approches pour accompagner autrement les consommateurs d’alcool commençaient à voir le jour, mais étaient encore peu connues. Différentes publications étaient attendues, comme l’expertise collective INSERM qui a finalement été publiée en 2021, mais ces travaux ne prévoyaient pas de détailler comment ces interventions étaient concrètement mises en œuvre – ce qui est une connaissance indispensable à produire avant de pouvoir débattre de ce qu’est ou devrait être la réduction des risques liés à l’alcool.

Parce que la SFSP offre un espace d’échanges qui permet de réunir professionnels et chercheurs, ainsi qu’une pluralité d’organisations ou fédérations, et grâce la méthode CAPS que nous avons déployée, nous pensions réunir plusieurs atouts pour produire avec le projet SeRra (capitalisation des savoirs expérientiels sur la réduction des risques liés à l’alcool) des connaissances originales sur le sujet, qui ont pris la forme de fiches de capitalisations et d’enseignements transversaux

 

En quoi consiste cette méthode CAPS de capitalisation des expériences en santé ?

Timothée Delescluse : La capitalisation est une démarche qui vise à transformer les savoirs issus de l’expérience en connaissance partageable. Très concrètement, cela consiste à aller à la rencontre des acteurs qui portent des projets complexes, pour recueillir et partager des connaissances dites expérientielles sur ces projets. Une fiche de capitalisation, c’est un document écrit, rédigé à partir de données recueillies sur le terrain et principalement le récit des professionnels et usagers, et qui restitue des informations sur l’élaboration, la mise en œuvre et les effets produits par ce projet. L’objectif est que ces documents soient facilement appropriables par d’autres acteurs de terrain, pour s’informer et s’inspirer pour monter ses propres projets.

C’est une méthode qui est particulièrement adaptée pour documenter des expérimentations, ou des interventions de petite ampleur, mais potentiellement très innovantes ou très adaptées à certains publics. Et donc, bien adaptée pour le type de projets capitalisés dans le cadre de SeRra.

Combien d’actions ont été capitalisées dans le cadre de SeRra ?

Timothée Delescluse : Nous en avions repéré 28 interventions en 2020-2021 qui ont fait l’objet d’une démarche de capitalisation. Il s’agissait de 13 interventions portées par des structures d’addictologie, CSAPA, CAARUD ou accueil de jour dédiés aux consommateurs d’alcool, de 9 interventions mises en œuvre dans des structures sociales, médico-sociales ou de l’AHI et de 6 programmes qui relevaient davantage de la prévention. Toutes les démarches n’ont pas abouti à la publication d’une fiche, mais toutes ont nourri le travail d’analyse transversale.

Quels sont les principaux enseignements de l’analyse transversale concernant la réduction des risques alcool ?

Timothée Delescluse : Le premier résultat a été de poser le constat de la diversité des interventions qui se réclament de la réduction des risques alcool. Nous avons d’ailleurs préféré parler d’interventions qui «tiennent compte de l’alcool dans une logique de réduction des risques » plutôt que de réduction des risques alcool, pour englober les projets capitalisés dans leur diversité.

On peut voir à travers ces presque 30 projets que de nombreuses façons innovantes de tenir compte de l’alcool dans les structures ou d’accompagner autrement les usagers se développent et se déploient. Il s’agit rarement de structures et d’interventions dédiées spécifiquement à l’usage d’alcool, mais en majorité d’innovations qui visent à mieux accueillir et accompagner des usagers d’alcool parmi d’autres usagers. Le principal effet positif est d’améliorer l’inclusion de ces personnes. SeRra a aussi permis d’identifier des sujets à venir, pour poursuivre le déploiement de ces pratiques, comme renforcer l’évaluation au niveau individuel pour suivre l’effet de ces projets et de ces accompagnements sur l’état de santé des personnes par exemple.

Retrouver les fiches de capitalisation sur le portail CAPS

Qu'est-ce que la SFSP?

La Société française de santé publique offre un espace ouvert à de nombreuses disciplines pour une réflexion collective et interprofessionnelle. Cette réflexion repose en particulier sur l’analyse critique des faits scientifiques et des pratiques professionnelles. Elle permet de formuler des propositions à l’intention des décideurs et, via les médias, d’éclairer l’opinion publique sur les enjeux des politiques de santé, les forces et les faiblesses de leur mise en œuvre.

SFSP.fr